[Secteur central] Mise au clair.

Une après-midi comme tant d'autre dans le secteur central, proche du commissariat d'Illium. Une adolescente était affalée sur un banc, les mains dans les poches de son pull noir aux coutures vertes. Sa capuche relevée empêchait de discerner convenablement son visage. Ses yeux ambrés pétillaient sous l'obscurité de son vêtement.
C'était Foen. Elle avait enfilé des habits qui dissimulaient son profil guerrier. De l'extérieur, la chasseuse de prime avait l'allure dégingandé d'une adolescente. Un "déguisement" qui lui permettait de ne pas attirer l'attention. Elle ne portait en apparence pas d'armes. Connaissant la paranoïa de la chasseuse, il était peu probable qu'elle se promène sans objets tranchants, contendant ou bruyants et destructeurs. Cependant, il valait mieux pour les civils qu'elle ne les affichent pas en public. Caché dans les plis de ses vêtements se trouvaient sans doute une lame empoisonnée à la toxine de dévoreur, prête à enlever la vie au premier suspect venu, ou une paire de gants américains pointus dissimulés par les manches de son sweat.
Chose que n'avait pas conscience la jeune Asari assise non loin de la chasseuse de prime. L'adolescente, d'environs une cinquantaines d'années à tout casser, arrêta de lui sourire lorsqu'elle remarqua ses traits de femme mûre marqués par les épreuves. Foen lui lança un regard hargneux qui termina de la mettre mal à l'aise.

Elle n'avait pas attendu pour rejoindre le secteur central. Foen y était déjà depuis plusieurs heures. Son omni-tech activé, elle ne s'était pas gênée pour suivre les déplacements de Scylla. Ainsi, elle apprit que la Sibylle, après avoir superposé une carte des principaux secteurs de Nos astra par apport à ses déplacements, s'était rendu aux quais 8 de la plate-forme H15 qui, d'après ses souvenirs, était l'endroit ou reposait le vaisseau d'Ellhann. La chasseuse de prime n'avait, semble-t-il, pas finis d'entendre parler de lui.
Après une dizaines de minutes, son émetteur l'informa avec un bip tonitruant que les relevés de Scylla étaient anormaux. Ce petit bijoux de nanotechnologie Asari pouvait, outre donner sa position exacte dans l'espace, scanner son utilisateur pour envoyer un avertissement une fois qu'un seuil critique était atteint. C'était à l'origine un objet destiné aux expéditions dangereuses. Chaque chercheurs en était équipé, ce qui permettait de leur envoyer une équipe de secours le plus rapidement possible s'ils étaient victimes d'une attaque pirate ou d'un caprice de la nature. Foen l'employait pour pister ses cibles, si elle n'avait pas su leur mettre le grappin dessus dès la première rencontre.

Elle plissa simplement les yeux, imperturbable. Le regard rivé sur l'interface holographique de son omni-tech, elle attendait. La Sibylle quitta enfin les quais pour prendre une direction déjà plus acceptable. Quand elle entra dans le secteur central, Foen éteignit son outil.
La chasseuse de prime avait déjà analysé les personnes récurrentes du commissariat. Outre les passants tous plus inintéressants les uns que les autres qui marchaient d'un pas vif juste devant son nez sans lui prêter attention, quelques Asaris gardaient les alentours, le Prédator accroché à la ceinture, trop confiantes en elles pour se targuer d'être vigilantes. L'adolescente de tout à l'heure attendait depuis plus d'une demi-heure en plein milieu du trafic, tendue et à la recherche d'une âme charitable. Dans un coin tranquille, assis sur une table, deux businessman Galariens discutaient trop rapidement pour comprendre le sens de leur paroles. Seule une unique personne retint son attention. C'était une Asari habillée d'une longue robe rouge. De loin, elle ne reconnu pas la Sibylle. Les traits significatifs qui lui permettaient d'en être sûr à cent pour cent lui étaient cachés. De toute manière, elle ne voyait pas l'ombre d'un tatouage arboricole aux coins de ses yeux.
Elle baissa son regard vers son omni-tech lorsqu'il laissa échapper un bip.
-Quoi, encore ?! s'énerva Foen en ouvrant un dossier. Quelqu'un lui avait envoyé un message. C'était Scylla qui lui indiquait sa position exacte. Plus aucun doutes, à présent.

Foen se leva nonchalamment et s'approcha de l'Asari à la robe rouge. Cette dernière lui tournait le dos. Elle arriva à son contact avec autant de discrétion que faire se peut.
-Alors comme ça, on subit une montée d'excitation soudaine? Mon joujoux est passé entre les mains d'un admirateur? susurra-t-elle d'un ton neutre. Le sous-entendu était sans équivoque. Elle ne connaissait pas Scylla, pourtant Foen se doutait qu'elle n'était pas du genre à passer son temps en frivolités. Personne n'était du genre à prendre du bon temps après avoir été menacé de mort. Foen suspectait Scylla d'avoir rendu visite à l'humain d'hier. Elle le savait nerveux en sa présence.
Lorsque la Sibylle se retourna, elle la fixa avec un regard qui disait à sa place "je n'aime pas ce mec."

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L'Asari se retourna, dévoilant un visage inconnu et stupéfait. Après l'avoir vaguement entendue bafouiller quelques excuses, Foen éclata de rire. Contrairement à ce que l'on pourrait s'attendre, son rire était clair et cristallin, contrastant avec le ton grave et tranchant qu'elle prenait d'habitude. Elle tourna ensuite sa tête vers l'adolescente, ou plutôt, Scylla, son expression figée sur un sourire carnassier.
On pouvait la prendre pour une dingue ; c'était ce grain de folie qu'elle cultivait.
-La méfiance est pour moi une des formes de l'intelligence. La confiance une des formes de la bêtise, lâcha-t-elle en continuant son rire franc. Je ne suis pas douée pour les jeux de cache-cache. À dire vrai, je ne t'aurais jamais reconnue.
Elle garda son sourire en détaillant la Sibylle. Cela lui faisait plaisir aussi, de la voir habillée de cette façon. Foen n'aimait pas être formelle ; c'était bien pour cette raison qu'elle ne l'était jamais. En plus d'être dingue, on la prenait aussi pour une irrespectueuse. Elle ne se pliait jamais aux règles, passant le plus clair de son temps à les braver, rebelle. L'attitude d'une adolescente.

L'humeur de Foen était passée d'exécrable à hilare à l'apparition de Scylla. Elle profita de l'éloignement de cette dernière pour prendre un court élan avant de bondir puissamment vers l'avant. Bras tendus, elle exécuta un majestueux flip avant pour retomber devant Scylla.
Ce n'était pas tous les jours que quelqu'un exécutait une figure acrobatique dans la rue et les passants curieux applaudirent la performance de la furie. Cette dernière leva les bras, remerciant son public, en prenant une attitude très cool. Elle ne cessa de sourire, comme si la reconnaissance était un moyen pour elle d'aller de l'avant. Elle agissait avec l'assurance crâne de la jeunesse.

Son regard se tourna vers Scylla. Elle eut un sourire chaleureux en apercevant son impatience. Foen aurait réellement voulu que ce moment d'insouciance dure éternellement, pour une fois qu'elle n'était pas elle-même traquée, haïe ni d'autres choses qui justifiaient sa paranoïa.
-Toute à moi? N'hésite pas à reformuler ta phrase, tu pourrais le regretter !
Sourire hilare.
-Histoire de rester un peu sérieuse, je t'informe que je possède un vaisseau fonctionnel. Je peux t'emmener à l'endroit du contrat quand tu voudras.
Ragaillardie par la bonne humeur ambiante, Foen continua son discours sur un ton taquin.
-Je dis bien : "quand tu voudras". Si tu as envie de te poser quelque part pour profiter de tes derniers instants de calme, ça ne me dérange pas du tout, au contraire. Et n'oublie pas, dit-elle en prenant un air confiant. Avec moi, tu ne risque rien. Je serais ton bouclier. Aussi longtemps que je serais à tes côtés, il ne t'arrivera rien. C'est une promesse.
Les deux femmes marchaient dans l'avenue principale. Foen, les mains dans les poches, promenait ses yeux châtains sur les hauteurs. Elle agissait instinctivement, repérant les personnes potentiellement dangereuses. Même détendue, elle ne pouvait s'empêcher d'assurer sa protection et celle de Scylla. C'était en quelque sorte rassurant.
-Une promesse qui en répond à une autre. N'oublie pas ce que tu m'as dit.
"Je me demande si tu es curieuse des raisons qui me poussent à t'aider? Car comme tu semble le savoir, je suis un varren solitaire... d'habitude."
D'habitude. Ce n'était pas désagréable d'avoir quelqu'un pour parler de frivolités, finalement. C'était sur cette voie là que Foen s'engageait avec Scylla. Peut-être un début d'amitié naissant.
La furie sortit cette idée de sa tête. Son obsession était en train de la conduire vers ce qu'elle avait toujours rejeté : l'attachement.
Toujours souriante, Foen garda son trouble pour elle. Ce n'était pas une journée à gâcher avec ça, même si l'issue incertaine avait déjà établit une certaine noirceur dans les coeurs.