[L'éternité] Il y a des jours avec et des jours sans.

-Non, non... Je ne cherche pas une ombre dans la nuit. C'est gentil à toi, mais... tu te pose trop de questions.
Foen plissa légèrement les yeux, un signe qui ne trompait pas. Elle se demandait ce qu'avait prévu la Sibylle. Après tout, Foen lui avait exposé les faits sans réellement proposer de solutions. Impassible, elle attendit la suite. Une certaine indifférence qui rappelait non sans gène l'attitude d'une Probatrice.
La chasseuse de prime ne comprit pas directement. Scylla parlait par énigmes. Des paroles que l'on interprétais de la façon dont il nous était propre. Il lui fallut plusieurs longues secondes avant de passer de l'incompréhension à la stupéfaction.
Elle écarquilla les yeux et réagit impulsivement.
-Pardon ?! Tu veux te livrer à eux ?! C'est...
Foen ne pipa plus un mot, trop stupéfaite qu'elle était. Elle ferma les yeux et réfléchit.
Lorsqu'elle les ré ouvra, son regard avait changé. Il était flamboyant et déterminé. La furie était revenue.
-Ahh, ouai ! J'ai compris ! Une fois dans la gueule du loup, il sera plus facile de lui causer du tord, s'exclama-t-elle en frappant son poings dans la paume de sa main, un geste qui signifiait qu'elle était prête à en découdre. Tu peux compter sur moi pour t'épauler !
Sourire carnassier. Contrairement à Scylla qui évitait les conflits, ces derniers étaient ce qui permettait à Foen de s'enflammer. Deux manières de vivre différentes qui mise côte à côte avaient tout pour faire des étincelles.
Un bip bip tonitruant, atténué par le brouhaha de la foule ambiante, s'échappa de l'omni-tech de la chasseuse de prime. Elle fronça les sourcils en constatant qu'elle avait reçu un message. Sans se poser plus de questions, elle l'ouvrit.
C'était un message vocal. La voix d'Ellhann s'échappa de l'outil de Foen, assez fort pour être entendu par la Sibylle. Au fur et à mesure de la lecture du message, la guerrière oscilla entre plusieurs attitudes : elle prit d'abord une moue embêtée avant de rouler ses yeux dans ses orbites pour signifier son dédain.
-...fin du message, informa une voix féminine. Relecture?
-Non. Surtout pas. Je ne veux plus jamais entendre ce discours pleurnichard et pathétique... comme si quelqu'un d'aussi faible avait une chance contre moi.
-Veuillez préciser clairement votre requête.
-Supprimer message.
-Message supprimé. Fin de l'application.
Son interface holographique disparut de son avant-bras. Foen tourna doucement la tête de droite à gauche en laissant échapper un "tss" méprisant.

Foen n'avait jamais reçu d'aide et ce n'était pas elle qui en demanderait. Lors de son existence sans souvenirs, elle n'avait jamais mordu la poussière, jamais connu la peur. Cette confiance exacerbé envers ses capacités suscitait généralement le mépris mais la chasseuse de prime s'en moquait bien.
Pour cette raison, Foen considérait que compter sur quelqu'un était une faiblesse. Elle s'en était toujours voulu de ne pas pouvoir régler seule le problème de sa boite grise.
On aurait pu croire que ce détail l'aurait aidé à s'ouvrir un peu plus aux autres. Pour l'instant, il n'en était rien. Scylla était simplement l'unique exception.
Lorsque la Sibylle termina de commenter l'attitude d'Ellhan, ce fut au tour de Foen de dire le fond de sa pensée.
-Ce n'est pas une égratignure qui aura raison de lui. Du moins, je l'espère... S'il a accepté de se battre avec moi, c'est qu'il vaut plus que ça. Je ne vois pas pourquoi je devrais l'aider si c'est pour qu'il s'assagisse. La seule raison qui me fera aller à lui, ce serait pour le pousser à se remettre sur ses jambes comme un grand.
Le raisonnement de Foen était spartiate. C'était sa manière à elle de montrer son respect envers le commandant ; un honneur particulier qu'elle partageait avec les Krogans. D'une certaine manière, si Foen était partie l'aider, c'est qu'elle aurait reconnu que le potentiel d'Ellhann en tant que guerrier était moindre et qu'il n'était pas capable de survivre seul : que c'était, en gros, une lopette. Ellhann pouvait donc encore s'estimer heureux.
Elle écouta la suite. À un moment du récit, ses yeux frémirent, comme si quelque chose avait réveillé une profonde douleur.
-J'ai plus à perdre que tu ne sembles le penser si nous échouons... mais continue.
À la question "ou va-t-on?", Foen aurait répondu qu'elle possédait un vaisseau si besoin était, mais Scylla continua son discours. L'expression de son visage signifia clairement son désaccord lorsqu'elle entendit qu'il y aurait des renforts.
-Hein?? Je n'ai pas l'habitude de travailler en équipe. C'est quoi ta connaissance? Elle s'y connaît un peu en tactique de combats? Je ne veux pas d'un boulet à traîner.
"... laisse tomber, je verrais bien. Sinon, j'en sais déjà suffisamment. Il est possible de connaître l'endroit exact d'où a été lancée l'annonce avec quelques connaissances en piratages, mais ce n'est pas mon domaine. Tout comme la recherche d'information, ai-je l'air de quelqu'un qui veuille se cacher pour glaner quelques sombres secrets? Non. J'irais dans ce nid de crabe avec toi en me préparant pour le combat."
La suite ne lui plu pas vraiment. Elle restait impassible bien qu'au fond d'elle, Foen était en parfait désaccord. Elle continua d'insister en émettant des réflexions sur la façon dont elle aurait pu assurer la protection de la Sibylle.
-Dire que je pourrais étendre une barrière cinétique devant chaque fenêtres de ta résidence... Voire installer des tourelles de surveillance. J'en ai quelques-unes dans mon vaisseau. Interface holographique reliée à mon omni-tech, repérage des présences ennemies au bruit, à la vision et par laser de sécurité. Aussi grand qu'un poing.
Et en cas de pépin, tir de haute précision, 1080 coups par minutes. Ce sont des modèles cheap mais suffisant pour garder une baraque ou couvrir une retraite.
Foen en connaissait un rayon en armes et sa prudence indiquait qu'elle devait souvent subir des tentatives d'assassinat envers sa personne. La plupart du temps, c'était à cause des criminels qu'elle attrapait. Elle devait parfois faire face à leurs coéquipiers ou à d'autres chasseurs de prime désireux de rafler l'argent à sa place.
Mais c'était bien le seul sujet de discussion qu'elle arrivait à tenir sans s'essouffler : comment survivre dans un monde aussi hostile. Il était peine perdues de lui parler de philosophie, de littérature ou de tester sa culture dans un autre domaine, bien qu'elle pouvait parfois avoir des réflexions courtes, terre-à-terre et désagréablement exactes. Et Foen ne faisait pas dans la dentelle.
Scylla avait pourtant été catégorique et la chasseuse de prime ne voulait pas la froisser. Elle n'ira pas plus loin qu'énoncer des conseils, peut-être salvateurs, à la Sibylle.
-Sois paranoïaque... Active une barrière personnelle, tout le temps. Reste loin des fenêtres et assure toi d'avoir une sécurité en cas d'infraction. Je te conseillerais d'éviter ton lieu de résidence. Ce gars est peut-être chez toi en ce moment-même.
La foule est la meilleure des sécurités : impossibilité pour le tueur de rejoindre sa cible, impossibilité de tirer et même s'il le fait, les autres civils ont plus de chances que toi de recevoir une balle. Si tu garde tout ça en tête, tu devrais pouvoir réussir à survivre jusqu'à demain.
"Je te dirais bien de ne jamais rester seule, mais comme tu m'as l'air empressée de te mettre en sécurité..."
Elle soupira. Bien que résignée, Foen sous-entendait que la meilleure des sécurité, c'était de rester avec elle.
-Prend-ça, dit-elle en lui lançant un objet ovale de la taille d'une perle. Si tu le garde constamment sur toi, ça pourrait bien te sauver la vie.