Rencontre inattendue...

Être revenu à la Citadelle après ces longs mois d’absences me faisait un bien fou. Combien de temps s’était écoulé maintenant, dix mois… un an… Trop à mon goût ça c’était certain.

J’avais presque oublié cette sensation de sérénité qui m’habitait lorsque je me trouvais sur la station. Quelque chose que je n’avais guère pu éprouver depuis quelques mois avec les désagréments que j’avais eus sur Oméga.

Je laissai mon regard vagabonder de gauche à droite de l’allée bourdonnante de personnes et d’activités, les diverses annonces publicitaires débitant dans un ton faussement invitant des séries de propositions variées. Mais ce n’était pas ce qui retenait mon attention, fidèles à mes vieilles habitudes j’observais la foule et les ruelles, m’assurant que personne n’était menacé.

De mon expérience, ce quartier des secteurs n’était pas particulièrement dangereux, mais je savais aussi par mon expérience, qu’aucun endroit n’était totalement sûr.

Je me rendais à un club populaire du Présidium, le Purgatoire. Gary avait récemment glané des informations sur des esclavagistes qu’un quarien devait mettre au silence. Des esclavagistes que nous avions justement aux trousses depuis belle lurette à cause d’un « léger incident » que moi, Korso et Ace, avions provoqué à certains de leurs fournisseurs il y a un peu plus d’un an. La conversation qu’il avait captée était exceptionnellement vague, mais la mention d’une quarienne prisonnière confirma nos soupçons, car c’est une des informations que nous avions acquise à leur sujet durant leur traque.

Après une très courte recherche, Gary avait trouvé le moyen de contacter le quarien auquel on avait confié la mission et après m’être fait passer pour un possible intéresser au poste de soldat qu’il cherchait à combler je l’avais convié à me rejoindre à ma destination pour parler affaire.

J’arrivai à un transit rapide que j’empruntai jusqu’à destination. Le bar était plutôt vide pour l’heure. Rien qui ne me dérangeait tout particulièrement parce que les foules pouvaient être d’un chiant… Surtout dans un espace si exigu.

En m’approchant du comptoir, je demandai poliment au serveur de me remplir un verre de Brandy de Serrice. Avec la bouteille hors de prix et mon accoutrement, j’étais certain de surprendre mon invité. J’avais revêtu des vêtements digne de mon passé, noir, sobre, élégant, professionnel et confortable. Absolument rien qui ne laisserait sous-entendre que je voulais le job! Ce qui était précisément le cas.

Je demandai au serveur de me servir un verre de liqueur alcoolisé pour les espèces basé sur des dextro-protéine histoire de bien initier le contact. Et dès que ce fut prêt, je m’installai sur une table tout prêt du bar, cette dernière surplombant l’entrée du club.

Je savais à quoi ressemblait le quarien, Gary avait réussi à extirper une photo exécrable des vidéos de sécurité. Mais j’avais une bonne mémoire, et après tout, combien de quarien se trouvait dans le bar…

J’attendis à peine une quinzaine de minutes avant que mon invité ne franchisse la porte. Ne voulant pas risquer de perdre ma table, j’attendis qu’il approche de l’endroit où je me trouvais et bien que le bar fût grand, il arriva près de moi quelques minutes plus tard.

Je me levai pour être plus visible.

-Kora’Nizra! L’interpellais-je en haussant mon ton suffisamment pour qu’ils puissent m’entendre malgré la musique et le brouhaha de conversations.

Ne m’ayant pas entendu, je réessayai, mais ce ne fut qu’avec la troisième tentative que sa tête se tourna vers moi.

Ayant enfin son attention, je lui souris poliment en inclinant ma tête légèrement et en lui indiquant la seconde chaise autour de ma table.

Il zigzagua brièvement dans la foule qui commençait à se former, puis arriver à ma hauteur, je lui serrai vigoureusement la main.

-Enchanté de faire votre connaissance, monsieur Nizra (ne sachant pas vraiment quel était son nom de famille, je supposai que cette formulation ferait l’affaire), André Coulomb, je suis celui qui vous a contacté. Si vous voulez bien vous asseoir.

Répondant à mes salutations, je lui servis un verre de la liqueur qu’on m’avait servi pendant qu’il s’asseyait.

-J’ose espérer que vous pardonnerez mon manque de connaissance des bonnes liqueurs pour les espèces dextro-aminés. On me l’a suggéré cependant, poursuivis-je un rictus aimable aux lèvres.

-Vous m’en voyez ravi. Si vous voulez je peux vous en acheter une bouteille… Je ne vous cacherai pas que le nom m’a échappé, mais je crois pouvoir la reconnaître si le barman me les montrent toutes! Répondis-je en riant.

Son visage me troublait, je n’avais eu que de très, mais alors très rare contact avec des quariens. Berkenstein n’en avaient aucun (en tout cas, pas à ma connaissance) et même sur la citadelle, bien que j’en croisais souvent dans les avenue, je m’adressais rarement à eux. Il y avait quelque chose qui me mettait mal à l’aise en leur présence et à mon avis c’est leur combinaison, car elle m’empêchait d’analyser leurs expressions, leurs regards et le timbre de leur voix.

Faisant fi de ces désagréments, je m’efforçai d’agir comme à mon habitude et ajouta sans ménagement.


-Pour ce qui est de votre nom, j’ai bien peur de devoir brisé vos espoirs. Je ne vous appellerai pas « commandant », ce n’est pas la raison de ma présence ici. Je me doute que cela vous surprend, (c’est bien tout ce que tu peux faire, douter… Impossible de voir son expression!), car j’ai répondu à votre recherche de poste à combler sur extranet, mais il m’a semblé plus simple de le faire ainsi pour ne pas éveiller vos soupçons. Non pas que vous ayez à me craindre, mais j’avais absolument besoin de vous voir en personne.

Je laissai ma phrase en suspens, laissant Kora’Nizra assimiler et analyser ce que je venais de dire sans le brusquer. Le club lui n’avait pas ralenti son rythme. La musique envahissant l’air, l’alcool coulant à flot et la chaleur augmentant au fur et à mesure que la soirée progressait. Il y avait toujours moins de clients qu’à l’habitude, mais il faut croire que ceux présent étaient très énergiques, car le club ne perdait pas de son attrait. Après quelques secondes d’un silence désagréable j’enchaînai.

-Laissons les subtilités de côtés si vous le voulez bien, le temps presse si j’ai compris correctement. En effet, il est arrivé à mon attention que vous seriez à la recherche d’un groupe de butariens, des esclavagistes pour être juste. Des esclavagistes ayant capturés une quarienne…

Une question tout ce qu’il y a de plus légitime mon cher. Je peux parfaitement comprendre votre appréhension. Je vais vous donner la version longue, histoire que nous soyons sur la même longueur d’onde…

Je me versai un nouveau verre de brandy que je fixai en faisant tourner le liquide d’une légère motion du poignet.

J’ai des idéaux Kora’Nizra. Des idéaux et une éthique droite, parfois trop selon certain. Je n’aime pas particulièrement les criminels sous toutes leurs formes, et j’œuvre pour les stopper.

Tout en parlant, je fixai son masque et sa posture pour y décerner des signes de sa réaction.

Je ne suis pas membre du SSC rassurez-vous. Je fais cela de mon plein gré et c’est ma manière d’aider cette galaxie qui me semble être une cause perdue à l’occasion, malgré tous les efforts déployés par le Conseil pour éviter cela.

Je bus mon verre avant de le déposer sur la table et de le fixer en croisant mes mains devant mon visage.

En bref, c’est mon principal motif, je combats les criminels comme je le peux. Or, des esclavagistes tombent justement dans le genre de crapules avec qui je fais souvent affaire. Cela dit, je vous avouerais qu’il y a une autre raison pour laquelle je suis venu vous voir précisément, car ce n’est pas les criminels qui manquent.

Sans dévier mon regard, je pris une courte pause avant d’enchaîner.

Il y a un peu plus d’un an environ j’ai anéanti un groupe de butariens qui embarquaient en douce des citoyens de la Citadelle pour les revendre dans les systèmes Terminus. Ils ne sont pas restés longtemps, mais assez pour que je me rende compte de ce qui se passait et sans entrer dans les détails je me suis débarrassé d’eux.

Je me calai dans le siège de manière détendu.

Le hic, c’est qu’il s’agissait que d’une cellule d’une organisation plus large. Une organisation qui m’en veut et qui souhaite ma mort maintenant. Cela peut vous sembler hors contexte, mais il faut préciser que c’est ce même groupe qui se trouve à posséder la quarienne que vous recherchez…

Je me tus quelques secondes avant de me pencher vers la table et de lui offrir mon plus beau sourire.

Je crois que nous pouvons être d’un support inestimable l’un à l’autre ne croyez-vous pas…

Je fus satisfait d’entendre sa réponse, je n’étais pas sûr qu’il accepterait étant donné l’aspect complètement inusité de ma demande. Cela dit, elle avait de quoi intéresser quelqu’un en quête d’aide.

Souriant j’imitai mon nouvel « associé » et vida le reste de mon verre avant de reposer ce dernier contre la table

-Pour vous répondre, je dois vous avouer que je ne possède pas de vaisseau et que je devrai donc emprunter de l’espace dans le vôtre. N’ayez crainte je me ferai discret, c’est une de mes vertus certain m’ont dit.

Je me redressai dans mon siège pour imiter son propre mouvement.

-Je suis prêt à partir dans l’heure à venir si c’est nécessaire, mais je suis prêt à attendre votre signal. Comme le temps presse, je voulais vous assurer de mon entière disponibilité.

Tendant ma main par-dessus la table, j’ajoutai d’un ton convaincu.

-C’est décidé alors! Ce sera mon plaisir de vous aider Kora’Nizra.